Moto, auto ou scooter 3 roues : Yamaha TRICERA
Yamaha parle depuis des années de “Kando” – ce frisson mêlé d’émerveillement et de satisfaction. Avec le concept TRICERA, la marque pousse l’idée plus loin : et si l’on combinait l’accessibilité d’une auto, l’agilité d’une moto et la liberté d’un engin à ciel ouvert, le tout sur trois roues ? Présenté comme un prototype d’exploration, TRICERA n’est pas un simple show-car. C’est un laboratoire roulant où Yamaha teste de nouvelles interactions entre le conducteur, la machine et la route.
Un reverse trike ouvert, pensé pour l’émotion
Dès le premier regard, TRICERA s’inscrit dans la famille des reverse trikes (deux roues à l’avant, une à l’arrière), une architecture prisée pour sa stabilité au freinage et son ressenti de direction. La carrosserie minimaliste s’efface au profit d’un habitacle totalement ouvert : pas de toit, peu de vitrage, des volumes tendus et une assise basse qui rapproche le pilote de la chaussée. Le message est clair : on ne cherche pas l’isolation, mais la connexion – au vent, aux sons, aux odeurs et aux micro-variations de bitume qui font la saveur d’une route secondaire. À bord, la posture est plus “pilote” que “conducteur”. Le poste de commande privilégie la simplicité : un volant compact, des pédales nettes, quelques commandes essentielles. Yamaha veut réduire la distance entre le geste et la réaction du châssis, pour retrouver cette immediacy qu’on goûte sur une bonne moto, sans imposer l’apprentissage ni l’exposition d’un deux-roues.
L’idée forte : une direction arrière pilotable
La particularité la plus intrigante du TRICERA, c’est son train arrière directeur. Là où la plupart des engins de ce type jouent uniquement sur l’angle des roues avant, Yamaha ajoute une commande active de la roue arrière. L’intérêt ? Offrir des trajectoires plus naturelles selon l’allure et, surtout, donner au conducteur un levier de réglage du caractère de la machine : neutre, incisif, joueur.
- À basse vitesse, la roue arrière qui braque dans le sens opposé aux roues avant réduit le rayon de braquage et facilite manœuvres et demi-tours.
- À vitesse plus élevée, un angle coordonné (souvent dans le même sens que l’avant) stabilise l’assiette et rend les enchaînements de courbes plus fluides.
- En mode “plaisir”, le système peut laisser une marge d’expression au pilote : un soupçon d’angle arrière pour resserrer une corde, élargir la sortie ou placer l’auto au millimètre à l’inscription.
Dans l’esprit de Yamaha, ce troisième degré de liberté ne doit pas compliquer la conduite : il doit l’enrichir. La marque cherche le point d’équilibre entre assistance invisible et contrôle assumé, avec la possibilité – sur un engin de série – d’ajuster la part de l’un et de l’autre selon les modes.
Électrification sobre, sensations fortes
Yamaha ne communique pas de chiffres définitifs pour un concept de ce type, et c’est presque secondaire : le TRICERA explore surtout l’interface entre l’humain et la machine. L’entraînement électrique s’impose toutefois pour des raisons évidentes : couple immédiat, packaging souple (batterie au centre de gravité), silence relatif qui laisse monter les sons “mécaniques” utiles (bruits de pneus, sifflements d’air, cliquetis de direction). Le but n’est pas la déferlante de kilowatts, mais un réglage fin de la réponse à la pédale et un lien clair entre la demande et le mouvement – la signature d’une bonne Yamaha, qu’elle ait deux, trois ou quatre roues.
Entre moto, scooter et voiture 3 roues : une nouvelle grammaire du plaisir
Le TRICERA ne veut pas singer une sportive ni remplacer une moto. Il cherche un entre-deux crédible :
- Sécurité perçue supérieure à un deux-roues grâce à la largeur de voie avant, au freinage à deux pneus et au châssis qui pardonne davantage en cas d’imprévu.
- Immédiateté des sensations d’un roadster : on voit les roues travailler, on lit la route à vue, on module au volant comme on le ferait au guidon.
- Accessibilité d’une auto : pas de formation spécifique, pas d’équilibre à basse vitesse, sentiment de maîtrise pour des publics qui n’oseront jamais la moto.
Ce positionnement ouvre potentiellement la porte à des usages urbains et périurbains – trajets quotidiens, escapades – où l’on recherche plus que de la mobilité : un plaisir renouvelé à 50 comme à 90 km/h.
Design : minimalisme fonctionnel
Visuellement, l’engin assume une esthétique technique. Les volumes couvrent l’essentiel – baquets, longerons, arceaux – et laissent le reste à l’air libre. Les deux roues avant sont très lisibles depuis le poste de conduite, condition sine qua non pour que le cerveau “comprenne” instantanément ce que fait le train avant. L’arrière, ramassé, met en scène la roue directrice comme un élément de style. On imagine facilement des versions plus civilisées (pare-brise haut, capote légère) ou au contraire radicales (aéros plus marqués, harnais, pneus semi-slicks) selon la cible.
Perspectives : de la piste au produit ?
Yamaha sait faire durer ses explorations. Entre un concept de salon et une industrialisation, il y a un monde : normes, coûts, usage par tous les temps, réparabilité. Mais plusieurs chemins s’offrent au TRICERA :
- Petit-série loisir : un véhicule “track day / route” homologué dans certaines catégories, produit à faibles volumes pour passionnés.
- Plateforme modulaire : la cinématique de direction arrière devient un module adaptable à d’autres trois-roues (urbains ou récréatifs).
- Transfert technologique : les algorithmes de coordinations d’angles (avant/arrière) irriguent des motos ou scooters avancés (stabilité à basse vitesse, manœuvres assistées).
- Véhicule urbain premium : une version capotée, plus pratique, visant le quotidien (coffre, protection météo, aides à la conduite légères).
La clé sera l’adéquation réglementaire (catégorie d’homologation, permis requis, équipements obligatoires). Un trois-roues au tempérament sportif doit rester lisible pour l’utilisateur moyen, y compris sous la pluie ou sur mauvaise route. C’est là que Yamaha peut faire valoir son savoir-faire logiciel : modes intelligents, filets électroniques progressifs et retours haptiques qui préviennent avant de corriger.
Pourquoi maintenant ? Le contexte joue pour lui
- Électrification : les clients découvrent que le plaisir ne tient pas qu’au bruit d’un moteur, mais à la qualité de la commande et à la précision du châssis.
- Mobilités hybrides : entre la micro-voiture et la moto, la place existe pour des engins de plaisir raisonnable, peu encombrants, capables de transformer un trajet banal en moment à soi.
- Expertise trois-roues : Yamaha a déjà exploré les architectures “multi-roues directrices” côté deux-roues (Niken, Tricity). TRICERA capitalise sur cette culture maison.
Ce qu’il reste à éclaircir
Un concept suscite des questions auxquelles seule la route répondra :
- Poids & répartition : où placer la batterie pour préserver le ressenti “léger” au train avant ?
- Lecture sonore : comment conserver des indices audio utiles à la conduite sans agresser les tympans à 90 km/h en configuration ouverte ?
- Ergonomie : quelle protection aérodynamique minimale pour rouler longtemps, quelles options (pare-brise, capote, chauffage) pour élargir l’usage ?
- Coût : la sophistication de la direction arrière peut-elle rester abordable en série, ou faudra-t-il réserver le dispositif à une version haute ?
Un manifeste plus qu’un objet figé
Au fond, TRICERA parle autant de philosophie que de technique. Yamaha rappelle qu’une machine peut être simple, légère, lisible, et pourtant innovante dans ses sensations. Plutôt que de courir après la performance brute, le prototype explore la qualité d’interaction : comment on tourne, comment on freine, comment on dialogue avec la route. Si l’on en juge par l’accueil reçu auprès des passionnés, l’idée d’un trois-roues ouvert, expressif et maîtrisable séduit. Reste à transformer l’essai avec une version capable d’encaisser la vraie vie : pluie, pavés, dos-d’âne, parkings étroits et trajets répétés.
Verdict provisoire sur la Moto, scooter ou auto 3 roues
Le Yamaha TRICERA Proto n’est pas un gadget de salon : c’est un banc d’essai d’émotions. En ajoutant la direction arrière pilotable à l’architecture reverse trike, Yamaha cherche un nouveau langage du plaisir accessible, entre auto et moto. Les perspectives existent – de la niche passion à une déclinaison urbaine premium – pour peu que la marque réussisse l’équilibre entre innovation, simplicité et prix. Dans un marché saturé de SUV électriques interchangeables, un engin qui vous reconnecte à la route sans vous punir pourrait bien trouver sa place. Si le proto annonce l’avenir, cet avenir pourrait être léger, ouvert et joueur – exactement dans la veine de ce que Yamaha sait le mieux faire.
Rédacteur Éric Barse
Journaliste spécialisé dans l’univers du deux et trois-roues et fondateur des portails www.cafe-racer-only.com et www.scooter-3-roues.com.
Passionné de moto et de voyages depuis l’adolescence, il revendique l'achat de plus de 65 modèles personnels à ce jour, toutes marques et cylindrées confondues. Curieux, ouvert à toutes les motorisations — thermiques comme électriques —, il explore l’univers du deux et trois roues sans préjugé. Son approche journalistique mêle rigueur technique et ressenti de conduite, dans une recherche constante d’équilibre entre objectivité mécanique et plaisir de pilotage.