Scooter 3 roues et signalisation au sol : les perles blanches !

15.10.2025

Et si un simple coup de peinture, bien pensé, sauvait des vies ? En Autriche, des ellipses blanches peintes au centre de la chaussée dans des virages réputés dangereux ont significativement modifié les trajectoires des motards… et fait plonger l’accidentologie là où elles ont été déployées. L’idée, parfois surnommée « collier de perles », n’est pas une déco : c’est une invitation visuelle à retarder l’entrée en courbe et à s’éloigner de la ligne médiane — là où surviennent de nombreuses collisions frontales lorsque l’on « coupe » le virage. Retour sur l’expérimentation autrichienne, ses résultats (jusqu’à –80 %), ses limites, et les enseignements pour la France. 

Pourquoi ces marquages ? Un problème simple : on coupe trop les virages à gauche

Dans le Tyrol, région très fréquentée par les motards, l’analyse des sinistres a montré un sur-risque en virage, notamment à gauche, lié au “kurvenschneiden” (on serre trop tôt, on mord la ligne centrale, on s’expose à un choc avec un véhicule arrivant en face). Les autorités et le KFV (Kuratorium für Verkehrssicherheit, l’organisme autrichien de sécurité routière) ont donc testé une réponse comportementale : parler aux motards non pas avec un panneau générique, mais avec le sol, via des repères qui guident la trajectoire. Les premiers enseignements : les signaux classiques (triangle danger) sont peu efficaces seuls, alors qu’un message dédié aux motards sur la chaussée change vraiment la ligne adoptée. 

Comment ça marche ? Les « ellipses » qui sculptent une trajectoire plus sûre

Le marquage consiste en une série d’ellipses blanches peintes près de la ligne médiane, espacées le long du virage comme des perles. Effet recherché : déplacer la trajectoire du motard vers l’intérieur de sa voie et retarder le point de corde. On entre plus large, on garde de la marge à la corde, et on réaccélère en sortie en restant loin du flux opposé. Ce design joue aussi sur un réflexe appris à l’auto-école : éviter de rouler sur les marquages (souvent perçus comme moins adhérents). L’implantation centralise cette « zone à éviter » en la matérialisant visuellement ; résultat, beaucoup de pilotes ne mordent plus la médiane. Les rédactions moto qui ont couvert l’expérimentation décrivent ce « guidage doux » comme intuitif : pas d’injonction, mais une ligne suggérée par le décor.

Les résultats : jusqu’à 80 % d’accidents en moins sur les « points noirs »

Déployés sur une soixantaine de courbes à risque, ces marquages ont entraîné une baisse spectaculaire des accidents moto, de l’ordre de –80 % sur les sections traitées, selon les bilans relayés par la presse locale, des fédérations et les sites spécialisés. La FEMA (Federation of European Motorcyclists’ Associations) cite les travaux du KFV et confirme l’efficacité mesurée : les motards modifient leur ligne et les chutes/accrochages reculent fortement. Les médias grand public (en France et à l’international) ont ensuite popularisé l’idée à partir de fin 2023. 

Pourquoi ça marche (mieux qu’un panneau) ? La psychologie de la courbe

Les études partagées par la FEMA soulignent qu’un triangle danger générique n’influence guère la conduite d’un motard expérimenté : information trop générale, trop loin du geste concret. À l’inverse, un repère au sol situé exactement dans la zone d’action (là où le regard et la roue se posent) a un effet immédiat : on diffère l’inscription, on élargit l’attaque, et on évite de chatouiller la médiane. En bref, le marquage parle la langue du pilotage — celle de la trajectoire. 

Matériaux, adhérence, entretien : des questions légitimes

Les reportages ne détaillent pas tous les composants (peinture / thermoplastique), mais l’Autriche est rodée à la maintenance de marquages lisibles par tous temps (ASFINAG). La lisibilité, la tenue à l’abrasion (neige, déneigement) et la friction sous pluie sont des points à vérifier site par site. L’intérêt du dispositif autrichien : les ellipses n’occupent pas toute la bande de roulement, limitant l’exposition à une surface peinte continue. Reste qu’un calibrage local (type de peinture, microbillage, granulométrie) est indispensable si l’on veut reproduire l’expérience ailleurs. 

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Tout n’est pas transposable : des contextes où ça coince

L’idée séduit, mais tout contexte n’est pas gagnant. En Suisse (Valais), certaines autorités ont retiré des marquages censés améliorer la sécurité moto quand le bilan coût/effet n’était pas concluant ou que la lisibilité posait débat. Message : le design de la courbe, la visibilité (jour/nuit/pluie), la vitesse légale et les habitudes locales comptent. On ne plaque pas des ellipses comme un sticker — on les ingénierise

Une idée qui circule en Europe (et qui reçoit des prix)

Depuis l’Autriche, le « collier de perles » essaime : articles, reprises dans la presse généraliste, récompenses européennes en 2024 pour des projets de marquage sécurité motards (avec, en parallèle, des initiatives en Slovénie ou au Royaume-Uni). La pédagogie du concept — guider au bon endroit au bon moment — semble convaincante bien au-delà du Tyrol. 

Et en France ? Où et comment l’essayer intelligemment

La France n’a pas attendu l’Autriche pour réfléchir aux courbes piégeuses (signalisation, glissières « moto-friendly », enrobés…), mais l’expérience autrichienne fournit un outil de plus : agile, peu coûteux, rapidement réversible. Avant un déploiement large, on peut imaginer :

(Ces cinq axes reprennent l’esprit de l’expérimentation autrichienne : ciblage fin, suivi et itérations, plutôt qu’un déploiement cosmétique.)

Ce que cela change pour la conduite au quotidien

Pour un motard, ces marquages ne remplacent ni le regard ni la lecture de route. Ils offrent un tuteur visuel : viser tard la corde, garder du champ côté médiane, ré-ouvrir gaz en restant dans sa voie. C’est un coup de pouce là où l’on se laisse parfois embarquer par la pente ou le paysage. Et pour les automobilistes, ces ellipses rappellent que la ligne centrale n’est pas une option.

Questions fréquentes

Est-ce glissant ?

Les sources disponibles ne rapportent pas d’augmentation d’accidents liée au matériau. L’Autriche maîtrise la pose et la maintenance de marquages visibles par tous temps ; la friction doit toutefois être vérifiée localement.

C’est efficace partout ?

Non. L’Autriche affiche –80 % sur des sites ciblés ; ailleurs, cela suppose diagnostic et mesure. La Suisse a même retiré des dispositifs jugés peu pertinents localement.

Peut-on les déployer vite en France ?

Techniquement, oui, sur des chantiers légers. Politiquement, cela demande un chef de file (départements, DIR, Parcs) et un protocole avant/après.

D’où vient l’idée ?

Du travail conjoint des autorités tyroliennes et du KFV, relayé par la FEMA et la presse.

Ce que disent les médias (et la communauté moto)

La presse auto/moto a joué un rôle de caisse de résonance depuis octobre 2023 : l’expérimentation autrichienne, reprise en France par Auto Plus, a été ensuite largement diffusée (médias grand public, sites moto internationaux). Les fédérations ont participé à la vulgarisation (explications sur la corde tardive et l’évitement de la médiane). Cette convergence presse/fédés a probablement aidé à faire accepter un marquage inhabituel… qui parle aux motards.

En résumé : une signalisation prometteuse, à confirmer au cas par cas

L’Autriche a apporté une preuve d’efficacité : des ellipses qui guident plutôt qu’elles n’ordonnent, et une accidentologie en chute sur des virages choisis. Ce n’est ni une panacée, ni un gadget : c’est une brique de plus dans la sécurité motards — peu coûteuse, réversible, compréhensible au premier regard. Pour la France, l’enjeu est de sélectionner de bons sites pilotes, d’instrumenter la mesure, et de construire l’acceptabilité avec les usagers. Si les chiffres suivent, ces « perles blanches » pourraient devenir un classique des routes à virages, au même titre que les panneaux « courbe dangereuse »… en plus opérationnel pour celles et ceux qui roulent sur une seule piste. 

Éric BARSE

Rédacteur Éric Barse

Journaliste spécialisé dans l’univers du deux et trois-roues et fondateur des portails www.cafe-racer-only.com et www.scooter-3-roues.com.

Passionné de moto et de voyages depuis l’adolescence, il revendique l'achat de plus de 65 modèles personnels à ce jour, toutes marques et cylindrées confondues. Curieux, ouvert à toutes les motorisations — thermiques comme électriques —, il explore l’univers du deux et trois roues sans préjugé. Son approche journalistique mêle rigueur technique et ressenti de conduite, dans une recherche constante d’équilibre entre objectivité mécanique et plaisir de pilotage.